L’obsession du contrôle et les procédures standardisées

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J’ai vécu plusieurs événements ces dernières années qui me font dire que dans nos sociétés, trop d’importance est donnée au contrôle et pas assez à d’autres valeurs complémentaires comme la spontanéité, la chaleur humaine, la liberté et le chaos créateur. Par peur de prendre des risques, on établit des procédures standards, souvent pas très humaines, dont le but principal est d’éviter d’être inculpé si quelque-chose venait à mal tourner. La maxime semble être : surtout ne pas se mouiller, pour éviter de se faire attaquer en justice. Et ce danger est malheureusement bien réel! J’ai pu observer ce mécanisme dans l’enseignement et récemment aussi en médecine.

Mais pour commencer, une petite anecdote, de celles que les parents vivent souvent lorsqu’ils rencontrent d’autres familles sur les places de jeux. Je m’y trouvais avec mes jumeaux âgés d’un peu plus de deux ans. Ils étaient montés sur le portique de jeux muni d’un toboggan et d’une passerelle. Une grand-maman était là avec sa petite-fille âgée d’un peu moins de deux ans. La petite fille fit signe qu’elle voulait aussi aller sur le portique. La dame l’aida à grimper. Arrivée en haut, elle était toute contente et aurait bien voulu rester encore un peu là. Les trois enfants jouaient paisiblement et aucun d’eux ne paraissait avoir envie de descendre. Mais la dame tenait, je ne sais pour quelle raison, à ce que sa petite-fille glisse sur le toboggan. Elle insista, l’assis en haut et l’aida à glisser, puis à remonter et ainsi de suite, jusqu’à ce que mes garçons bloquent l’entrée du toboggan. La dame paraissait attendre que j’intervienne, ce que je ne fit pas, puis elle pris sa petite-fille qui criait et n’était pas contente du tout, parce qu’elle aurait préférer simplement rester en haut avec les autres enfants. On a souvent une idée préconçue de la façon de se comporter dans un endroit donné ou avec un objet donné. Pourquoi ne pas laisser la liberté à nos enfants de décider ce qu’ils veulent en faire et se laisser surprendre ?

Le cortège de la Saint-Martin est pour moi emblématique de notre relation au risque. Le feu c’est dangereux, il faut donc le manipuler avec prudence. Jusque-là je suis d’accord. Cependant, je trouve incroyable de faire venir les pompiers pour superviser un cortège des lanternes ! Pour moi, cela montre de nouveau cette obsession du risque et la déresponsabilisation de l’individu au profit des spécialistes. A chaque compartiment de notre existence, son spécialiste, et n’essayez surtout pas de vous débrouiller vous-même, sous peine de nuire à votre santé ou à celle des autres ! Que vous vouliez recommencer à faire du sport ou essayer une nouvelle façon de vous nourrir, demandez d’abord l’avis de votre médecin ! Lui, il sait ce qui est bon pour vous ! Et de l’autre côté, j’emmène ma maman chez le médecin qui ne la connaît pas. Il regarde dans son ordinateur pour savoir quels médicaments elle prend et n’a aucune idée de comment elle va ! En fait, c’est moi qui fait tout le travail du médecin et on voudrait me faire croire qu’il est plus à même de prendre des décisions concernant sa santé. Ces derniers temps j’ai trop souvent eu l’impression d’avoir le choix entre deux mauvaises solutions : une aide standardisée, offerte par des institutions liées à l’Etat, où on nous force à tout accepter, même ce qui ne nous convient pas, ou me débrouiller toute seule. J’ai d’abord plutôt opter pour la première solution mais aujourd’hui, j’opte de plus en plus souvent pour la deuxième, en m’appuyant sur les ressources présentes autour de moi. Plus j’avance et plus je m’éloigne des offres standards, et plus je me sens un peu comme un extra-terrestre ! Mes dernières cogitations concernent l’éducation. Une question d’actualité puisque mon aîné doit entrer l’année prochaine en première classe !

Il y a aussi tous ces petites mésaventures où un soutient médical serait nécessaire (ou pas…).

Un jour, un de mes jumeaux tomba et se blessa à la tête. Tout semblait bien aller jusqu’au soir, où il commença à crier de manière inhabituel, ne pouvant pas téter. Incapable de le calmer, je pris peur et demandais à C. de contacter un médecin. Ce dernier nous dit qu’il ne pouvait rien faire et qu’il fallait appeler les urgences. Avant cela, je demandais à ma maman d’aller chercher la voisine. Elle vint et réussi à calmer mon enfant en lui appliquant de l’huile de lavande. Puis j’allais me coucher avec lui, il s’endormit dans mes bras et le lendemain matin, tout était de nouveau en ordre. Si nous avions appelé les urgences, toute une équipe aurait débarqué chez nous et on nous aurait emmenés à l’hôpital pour faire toutes sortes d’examens stressant qui n’auraient abouti à rien.

Pendant ma grossesse gémellaire, il faisait chaud et je sentais le besoin de m’asseoir à l’ombre. J’avais enfin trouvé une grande table, à la fraîcheur d’un arbre, où une dame était assise. Lorsque je lui demandais si je pouvais m’asseoir à sa table, elle refusa en disant qu’elle attendait encore des gens. Même avec ces gens là, il y aurait eu assez de place. Je suis donc retournée au Soleil et là, j’ai été prise d’une crise de panique, j’ai commencé à pleurer et à hyperventiler, n’arrivant pas à me calmer. D’habitude, si cela m’arrive, je retrouve le calme en respirant profondément, mais là, ce n’était pas possible, vu que mes poumons étaient comprimés par mon gros ventre de femme enceinte. Heureusement C. revint et arriva à me calmer. Quelqu’un m’apporta un verre d’eau. Seulement voilà, une autre personne avait déjà appelé l’ambulance et je les vis tous débarquer avec leur grosse valise médicale. Ils ont été très sympa, et m’ont dit de ne pas hésiter à les appeler si j’avais un problème. Mais franchement, était-ce vraiment nécessaire !?

Lorsque j’étais à l’hôpital pendant ma dernière grossesse, ma vision à commencé à se brouiller et je sais que quand cela arrive, je perds parfois la vision d’un côté pendant quelques minutes, et le meilleure remède, c’est de boire un ou deux verres d’eau. Lorsque j’avais parlé de ce phénomène à un médecin, il m’avait dit de tout de suite aller faire contrôler se qui se passait, si cela devait à nouveau m’arriver. Comme j’étais à l’hôpital, je me suis dit que c’était l’occasion. J’ai donc appelé l’infirmière et lui ai expliqué ce qui se passait. Là, branle-bas de combat : on m’a pris du sang, ma tension et j’ai dû laisser un échantillon d’urine. Résultat : rien ! Alors, quand ça m’est arrivé une seconde fois, je n’ai rien dit !

Toujours à l’hôpital pendant ma grossesse, on tenait à me donner une dose de magnésium chaque jour. La dose était beaucoup trop élevée pour moi, et du coup, j’ai attrapé une diarrhée carabinée, aussi liquide que de l’eau. Je n’ai rien dit le jour même et le lendemain, j’ai expliqué à l’infirmière que je voulais diminuer la dose de magnésium, parce que cela me donnait la diarrhée. Réponse de l’infirmière : « Non, ce n’est pas possible, ça ne peut pas donner la diarrhée. Vous auriez dû nous prévenir, nous aurions prélevé une partie de vos sels pour une analyse, c’est peut-être une infection ! Continuez à prendre la dose prescrite ! ». Je n’ai donc plus rien dit et j’ai simplement mis les gélules en trop de côté. Ma diarrhée a disparu après trois jours.

Au lendemain de l’accouchement de mes jumeaux, j’ai failli quitter l’hôpital à 21h. Il a fallu toute la douceur et la diplomatie de C. pour éviter que je m’en aille sur un coup de tête. Le règlement de l’hôpital spécifiait que les papas n’étaient pas autorisés à rester après 20h. Ce soir là, ma collègue de chambre se plaignait de douleurs et l’infirmière n’ayant pas encore eu le temps de s’en occuper, son mari était resté auprès d’elle pour la soutenir. C et moi avions encore des choses importantes à discuter. Comme tous les papas de la chambrée étaient là, on ne voyait pas où pourrait être le problème à ce qu’ils restent un peu plus longtemps ! Mais lorsque l’infirmière en chef est arrivée, elle nous a tous engueulés pour cette entorse au règlement ! Et c’est là que j’ai dit à C. que je ne resterais pas une nuit de plus dans cet établissement! ». Il a réussi à me convaincre, en me disant qu’on s’en irait le lendemain, ce qu’on a d’ailleurs fait, contre l’avis des médecins et après plusieurs tentatives pour nous retenir. J’ai dû signer un papier spécifiant que j’en portais l’entière responsabilité.

Souvent, lorsqu’on se sent mal, on a juste besoin d’une présence rassurante, pas d’une prise de sang, d’une mesure de la tension ou d’une radio. Malheureusement, c’est rarement ce que l’on reçoit lorsqu’on demande de l’aide ! La technique et les formulaires prennent trop souvent le pas sur le rapport humain, et c’est bien dommage. Cela nuit à la santé et en plus, ça coûte cher !

charlotte

Maman de trois enfants en bas âge et ancienne proche aidante.